lundi 24 octobre 2011

MERCI A VOUS !!!

Amis manifestants, merci pour votre courage, merci pour avoir fait ce que vous avez fait, pour avoir tenté ce que vous avez tenté. Je renvoie au billet d'Hélène et au communiqué du CRAC. Le reste parle avec les images : vous avez été non violents, calmes, obstinés, courageux, dignes devant les coups, les insultes, les crachats, la violence - et généreux dans votre action pour la défense de la vie. Merci. Vous êtes formidables :)


Rassemblement anti corrida arène rodilhan (08.10... par licaon

lundi 8 août 2011

La corrida

C'est intéressant la corrida
Aussi intéressant que ça fait mal
Tous ces animaux
Qui entourent l'animal
Sont-ils "hors de soi"
Pour être une horde de soif ?
Une horde assoiffée
Abreuvée de pulsions
Trop longtemps réprimées
La rancoeur au petit déjeuner
Secrets de famille au souper
Brimades au travail
Balloté dans les wagons, le bétail;
Ou tout simplement le vide
Je veux dire la vacuité d'une vache
Et céder à l'émotion facile
Et trouver un sujet qui fâche…

Pourtant c'est simple la vie
Comme un champs de blé
Comme le vent
Dans les brins d'herbe
Dans la luzerne
Comme la camargue
Un soir d'été

Berti Vox
www.bertivox.com

dimanche 5 juin 2011

Danse macabre

Avant-propos :
Je n'aime pas la corrida. Il s'agit d'une mise à mort rituelle, d'un moment de souffrance terrible qui,en soi, n'a à mes yeux aucune justification à être donnée en spectacle. Toutefois, dans cet acte insensé où un homme d'une soixantaine de kilos affronte un animal qui pèse jusqu'à dix fois plus que lui, il y a une certaine grâce, une indéniable beauté qui nous ramène fondamentalement à notre condition humaine, en ce qu'elle nous pose la question de notre alliance avec la Terre, avec cette planète où nous vivons. Entre le toréador et le taureau, c'est sans nul doute une autre chose qui se passe, et dans les mouvements de la cape comme dans l'orgueil de défier une force de la nature armé uniquement d'une simple épée, c'est en final l'écho de nombre de récits épiques que l'on peut entendre.
En cela, la corrida à mes yeux fait partie du patrimoine de l'humanité, car elle porte témoignage de notre orgueil, de notre manque d'humilité, de toutes ces choses qui firent que, doté d'intelligence, l'homo sapiens imposa sa marque sur la planète où il se développa, se multiplia et façonna durablement le sol et les océans à son désir et au gré de ses envies passagères. Elle est le reflet de ce que nous sommes. Pour certains un reflet de valeurs essentielles, pour d'autres un reflet de notre barbarie. Mais elle est, elle existe, et nous devons composer avec elle. Reste qu'elle n'a, à mes yeux, rien d'un spectacle. Qu'elle en soit devenu un prouve indubitablement que la route est longue qui doit nous mener à une vie sereine et apaisée au sein d'un monde qui, pour peu que nous sachions lui ouvrir notre cœur, est prêt à nous accueillir en son sein.
Ce n'est pas la corrida qui est condamnable, ce sont ceux qui s'en abreuvent et vivent par procuration, au travers de la lutte d'un homme et d'un taureau, la joie malsaine non pas de vivre avec la vie, mais de se sentir maître de l'inmaîtrisable, de dominer quand ils pourraient collaborer.
La corrida n'a certainement de sens que privée de ses aficionados. Reste que, sans eux, elle n'existerait pas... Pour le plus grand bonheur des hommes comme celui des toros.

Jean Millemann


Danse macabre
Nouvelle



C'est entre nous deux que cela se passe, toro.
Juste toi et moi. Oublie les cris, les trompettes, les clameurs, le troupeau dont tu as été éloigné alors que tu te devais de le protéger. Plonge ton regard dans le mien et vois : je n'ai pas peur.
Tu veux me tuer, toro. Tu veux, de tes cornes affûtées et bien tournées, m'embrocher, me soulever de terre et me faire chuter, puis me piétiner, anéantir la menace que je suis.
Tu veux me tuer, toro, et tu as raison de le vouloir. C'est pour cela que tu es né, que tu as été élevé, que tes gênes ont été sélectionnés, que durant toute ton enfance jamais tu n'as croisé homme à pied, pour que tu n'aies aucune crainte en me voyant. Tu es issu de la guanaderia Miura, comme Islero, qui tua mon maître, Manolete, en ce même lieu. Comme Islero, tu es haut, mais tu es plus lourd que lui, et les muscles roulant sous ta peau de nuit portent le témoignage de tes origines et disent combien brave et dangereux tu peux être. J'ai refusé que l'on lime tes cornes, j'ai refusé que l'on te drogue, toro. Parce que ce n'est pas pour un spectacle que nous sommes ici, c'est pour un rituel. Un rituel sombre et sanglant, mais qui fait partie de nous, qui nous a construits, et auquel je me soumets avec toi. Parce que, sans cela, je n'existerai pas.
C'est pour un jour comme aujourd'hui que tu existes, toro. C'est pour cette terrible danse, gracieuse et terrifiante, ces quinze minutes où nous avons mêlés nos destins. C'est pour cela aussi que j'existe, toro. Pour que tu puisses affronter un adversaire à la hauteur de tes talents guerriers, ici, en cette plaza qui garde en ses molécules l'odeur du sang et de la mort, sous ce soleil de plomb.
Je le sais, toro, tu es en colère, tu es fou de rage. Je l'ai vu, quand tu as jailli dans l'arène, meuglant, tout en force et puissance. J'ai enroulé autour de toi la cape couleur de sang, je t'ai tourné le dos quand tu m'as frôlé et que tu as brutalement stoppé ta course, faisant jaillir la poussière. Tu charges la tête basse, toro, poussant ton cou de toute la masse de ton corps. Plusieurs fois ainsi j'ai joué avec toi, avec la mort dont l'aura enveloppe ta gigantesque masse. Je t'ai étudié, j'ai pris connaissance de ta corne maîtresse, celle avec laquelle tu préfères te battre, et je me suis adapté à toi, pour que tu paraisses plus fort, plus terrifiant, plus dangereux. Je me suis mis à genoux et tu as enroulé ton corps autour du mien, jetant ta tête en direction de la mienne ;sans la muleta, tu m'aurais sans nul doute blessé, tué même probablement, tant ta charge était furieuse. A nouveau je me suis agenouillé, j'ai fait voler l'étoffe au-dessus de tes cornes, et tu t'es laissé prendre une nouvelle fois, aveuglé par ta charge. C'est moi qui ai imposé le rythme, qui a finalement brutalement ôté de ta vue la cape qui me protégeait. Alors tu as stoppé alors ta course, toro. Ce furent là des moments intenses, pour toi comme pour moi, toro, intenses comme lorsque, pour la première fois, l'on fait l'amour à une femme que l'on ne connaît qu'à peine. Dans notre danse, deux mondes se sont affrontés, celui des hommes et celui de la Nature. Comme une femme au caractère bien trempé qui ne ferme pas les yeux quand elle s'offre, toi aussi, à ton coup de corne, tu gardais les tiens grands ouverts.
C'est alors qu'il sont entrés, à cheval. L'un d'entre eux tenait une longue pique en bois. Tu t'es désintéressé de moi, et cela aussi était voulu, naturel. Tu les as chargés. Le cheval a gémi quand, immobile et protégé de son caparaçon, il a arrêté ta charge brutale ; tu as senti la douleur, la première, de la pointe d'acier qui a pénétré ton collet ; tu as redressé la tête, tu as meuglé, un son profond et lourd, et tu as à nouveau tenté de tuer cet animal qui te faisait face. Le sang coulait, ruisselant le long de ton cou, inondant tes antérieurs, mais tu n'as pas fléchi, toro ; ce furent d'autres qui durent t'éloigner du picador.
Puis il y eut cette seconde blessure dans ton collet, et tu as secoué la tête. Mais ta bravoure était intacte, ta fureur en rien altérée. J'ai songé un bref instant, te voyant ainsi, à demander une nouvelle blessure, puis je compris combien cela pouvait être sacrilège. Je voulais t'affronter ainsi que tu es, puissant, sauvage, indomptable et indompté. Sans cela, quel sens donner à notre affrontement ?
Alors les chevaux ont quitté l'arène. Les trompettes ont sonné et tu as repris ton souffle, tes flancs lourds se soulevant au rythme de ta respiration. Tu as secoué la tête à nouveau. Le combat n'était pas fini, tu le sentais bien, et la colère encore entière brillait dans tes yeux lumineux.
Ils sont entrés à pied et t'ont nargué. Tu as couru à leur suite, toro, pour essayer d'attraper ces humains, avec leur petits bâtons surmontés de couleurs. Ils te provoquaient, mais je n'ai laissé nul autre que moi planter les banderilles dans ton dos. Sur ta robe de nuit, le rouge du sang se mêlait au blanc de ta sueur. La douleur était bien légère, provoquée par les morceaux de métal barbelés qui s'enfonçaient dans ton cuir. Et là encore, tu montras combien tu était grand et plein de vigueur, combien tu étais musculeux, dangereux. Cela aussi faisait partie de la danse, de notre danse, et j'ai sauté par-dessus ta tête en cabriole, mon dos arqué, pour te provoquer. Je te voulais furieux, je te voulais somptueux dans ton ire, et tu ne m'as pas déçu, toro, mon frère. J'ai décoré ta douleur des rubans des couleurs des harpons. Deux paires uniquement, au mépris des règles, parce que, sans cela, tu aurais été trop affaibli pour la danse à venir
Les trompettes à nouveau ont sonné.
Je me suis planté devant toi, immobile. La cape d'azur et de sang était en mon dos, déployée. Je ne l'ai pas bougée, et tu m'as fixé, toro, mon frère sauvage, de tes yeux étincelants du désir sauvage d'en finir avec moi, de me dominer et de me réduire à néant. Toi non plus tu n'as pas bougé, alors que, dans les gradins, une foule immense tambourinait, sifflait, hurlait. Mais tous deux nous savions qu'eux ne comptaient pas.
Seuls toi et moi, toro, au milieu de la plaza. Et nous commençâmes une grande danse, la toute dernière toro. Face à toi, j'ai agité la cape, et tu as chargé, robuste et plein de sève, lourd , invincible. Je t'ai évité en tournant sur moi-même, et la cape a enveloppé notre pas de son étreinte soyeuse.
Encore et encore, nous avons tourné ensemble, valsé au son de notre musique dont tous, dans les gradins, ne percevaient que de faible échos. Véronique, molinete, passe de poitrine, nous dansâmes près de dix minutes, dans une étreinte sensuelle, chaude et moite. Tu m'as baptisé de ton sang et j'ai souffert de tes blessures, toro, mon frère.
Puis tout s'est arrêté. Je t'attends, toro. Mon épée tendue vers toi est au niveau de mes yeux, mon bras levé aux épaules. Tu vas me charger, je le sais. Tu guettes dans mes prunelles le moment où mes yeux se détourneront, mais nous savons tous deux que je ne le ferai pas.
Alors, comme au ralenti, sans me quitter du regard, sans rompre ce lien qui nous unit, tu fouilles le sol de ton sabot énervé. Tu sens la fatigue et le sang coulé peser sur toi comme une chape de plomb, mais tu ne failliras pas.
J'attends, et soudain, le président sort un mouchoir orange et l'agite. Il a reconnu ta bravoure, toro, comme je l'ai fait, il ne souhaite plus que tu sois mis à mort. Je tourne les yeux pour le saluer et tu charges soudain, brutal, implacable. Ma main ne tremble pas quand elle enfonce l'épée à la base de ton cou épais, mon bras passant entre tes cornes, non, ma main ne tremble pas malgré la douleur, malgré mes entrailles qui se vident sur le sable. Tes cornes ont glissé sous mes côtes, perforé mes poumons et jaillissent d'entre mes os, elles sont en moi et fouaillent à l'instar de mon épée qui tranche le fil de ta vie, alors que, de concert, nos yeux se brouillent, s'opacifient, et que tous deux nous mourons ensemble et glissons au sol, enlacés dans cette vie et dans l'au-delà.
Nos deux vies n'ont existé que pour cet instant magique, toro, mon frère... Les autres, ces aficionados braillant dans les gradins, eux, n'ont jamais eu de raison d'être. Seulement toi et moi existons, mon frère toro, unis dans la mort comme nous le fûmes dans la vie.